Afrique de l’Ouest francophone : la presse en danger !

Article : Afrique de l’Ouest francophone : la presse en danger !
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4 novembre 2019

Afrique de l’Ouest francophone : la presse en danger !

Jadis crédible parce que citée parmi les éveilleurs de conscience des populations, la presse est en train de perdre du terrain dans son propre domaine en Afrique francophone. Et ce, en raison des difficultés de tous ordres imputables à plusieurs facteurs.
Les journaux ivoiriens – Mariam sorelle

Chaque jour, une série de presse papier est imprimée dans les capitales africaines à destination d’un public qui aime se contenter des titres et achète de moins en moins les journaux. Il n’est pas faux de dire que la confiance du public dans les médias classiques a fortement baissé en Afrique francophone.

« Les citoyens continuent de rêver d’une presse indépendante animée par des journalistes capables de leur fournir des informations d’intérêt public destinées à éclairer leur choix démocratique ou les aider à participer qualitativement au développement de leur nation », affirme Gérard Guèdègbé, journaliste et expert en stratégie de communication, dans son livre « Presse francophone en Afrique de l’Ouest, Expériences et Réflexions de pionniers ». Un ouvrage qui a fait l’objet d’une présentation officielle au public au mois de septembre 2019, au siège de la Konrad Adenauer Stiftung à Abidjan.

La dictature de l’argent

En parcourant le recueil de témoignages de pionniers de la presse en Afrique de l’Ouest francophone, de Gérard Guèdègbé, on convient avec Christoph Plate, le directeur de KAS Médias Afrique, que : « Le journalisme passionné est un bien précieux ».

Dans Presse francophone en Afrique de l’Ouest, Expériences et Réflexions de pionniers, on découvre donc le parcours palpitant de journalistes ayant fait les beaux jours de la presse en Afrique francophone tels que Jérôme Carlos (Benin), Souleymane Diallo (Guinée), Diomansi Bomboté (Mali), Eugène Kokhaya Aw N’diaye (Sénégal), etc.

Ces pionniers, qui ont consacré leur plume à la liberté de la presse et à l’enracinement de la démocratie dans leur pays respectif, portent aujourd’hui un même regard sur la presse en Afrique francophone.

Le diagnostic posé est la suivante : la presse en Afrique de l’Ouest francophone est en perte de repère. Pour le pionnier de la presse satirique en Guinée, Souleymane Diallo, la pratique du métier connaît un déclin inacceptable.

Parmi les facteurs qui contribuent à la dégradation du niveau d’efficacité du journalisme, on note la pression politique, le manque de ressources financières, le manque de formation des journalistes…

« Notre génération a échappé à la dictature de l’argent. L’argent a un poids sur les êtres aujourd’hui, en termes d’assujettissement. Il y a plein de jeunes qui viennent aujourd’hui dans la profession ! Ils n’ont pas cette passion que j’ai eue dans la profession. Ils sont en escale technique en attendant mieux. »,

Jérôme Carlos, écrivain et historien béninois

« La presse est libre, mais la presse doit se défendre elle-même »

De nombreuses instances, à travers le monde, militent aujourd’hui pour la liberté d’expression. On pourrait citer entre autres le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), Reporters sans frontières (RSF), La Fédération internationale des journalistes (FIJ)…

En Afrique francophone, les pays se dotent, de plus en plus, d’une législation et de structures institutionnelles pour garantir la liberté de presse et, le respect de l’éthique et de la déontologie.

« La sécurité des journalistes a beaucoup changé. Avant, il n’y avait aucune capacité de protéger les journalistes, mais maintenant il y a quand même un statut de journaliste, le corps des journalistes en tant que syndicat et autres associations existent. Il y a des canaux par lesquels le journaliste peut passer pour se faire entendre s’il est accusé. De mon temps, ça n’existait pas. Maintenant, la presse est libre, mais la presse doit se défendre elle-même. Il faut que le journaliste suive les règles élémentaires du métier. »

Cheick Mouctary Diarra, diplomate, homme politique et journaliste malien.

Pour l’avènement d’une presse libre et indépendante en Afrique de l’Ouest francophone, en plus de garantir la sécurité du journaliste, il faudrait repenser le modèle économique des entreprises de presse. La dépendance des médias de l’aide de l’État à la presse privée ou aux financements dits « occultes » entachent la crédibilité du journaliste.

En Côte d’Ivoire, les médias affilés aux parties politiques épousent de facto « les querelles politiciennes ». Le modèle de presse de service public s’effrite peu à peu.

Les réseaux sociaux sont aujourd’hui devenus le véritable espace où a lieu le débat, la confrontation d’idées.

Sans liberté d’expression, il ne saurait avoir de démocratie réelle. Et la presse, quatrième pouvoir, en Afrique de l’Ouest francophone, ne doit pas être à la solde du pouvoir.

Mariam Sorelle

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Commentaires

EKOFO Bertin
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Vous parlez de la presse de l'Afrique de l'Ouest comme si ailleurs ça va mieux. Suis désolé. Je suis congolais de la RDC et me sens concerné par cette interpellation car la presse est à la solde des politiciens. On ne peut pas avoir une presse de qualité quand on clochardise les journalistes. Et face à la dictature, on ne peut pas parler de liberté d'expression, surtout dans un régime qui a imposé la terreur. On s'attend à un changement mais ce n'est pas évident compte tenu des enjeux actuels. On veut bien faire le travail, mais on a peur des représailles