Prévention contre le Covid-19 en Afrique de l’Ouest : ce qui n’a pas marché

Article : Prévention contre le Covid-19 en Afrique de l’Ouest : ce qui n’a pas marché
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30 mars 2020

Prévention contre le Covid-19 en Afrique de l’Ouest : ce qui n’a pas marché

Burkina Faso, Sénégal, Côte d’Ivoire, Mali…

La maladie à coronavirus connaît une propension inquiétante dans ces pays de l’Afrique de l’Ouest. Et pourtant, conscients des lacunes de leur système de santé, leurs dirigeants avaient, pour se protéger, mis en place de mesures en amont de la pandémie du Covid-19. Mais par manque de rigueur, elles se sont révélées inefficaces. Et l’étau se resserre.

Manque de courage et leadership

Ce qui est commun aux pays de l’Afrique de l’Ouest, qui tentent en ordre dispersé de contrer l’évolution de la pandémie sur leur territoire est, entre autres, la décision tardive de suspendre les vols en provenance des pays ou continents touchés.

L’Afrique subsaharienne n’a pas su capitaliser sur son expérience acquise dans la lutte contre Ebola. Pour rappel, le Sénégal et la Côte d’Ivoire, face à la menace de la fièvre Ebola en 2014, n’avaient pas hésité à fermer leurs frontières aux voyageurs en provenance des principaux pays touchés (la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone). Or, face à la menace planétaire du Covid-19, les Etats de l’Afrique de l’Ouest sont restés amorphes et ont attendu que l’UE ferme ses frontières avec l’extérieur avant d’appliquer cette décision.

« La faiblesse de nos États résulte du fait que la maladie s’est invitée chez nous par les élites et la classe moyenne capables à l’occasion de leur déplacement en Europe. La situation de passe-droit et de favoritisme associée à la gestion de nos États a mis entre parenthèses la volonté étatique de prendre des mesures énergétiques en imposant des restrictions fermes aux personnes revenues de voyage. Par ailleurs, notre posture de « wagon du train » des relations internationales et diplomatiques nous a fait tergiverser quant à la fermeture des frontières. On le sait, la fermeture des frontières est un acte synonyme d’État d’urgence et de souveraineté assumée. Je pense que nos États ont voulu rassurer leurs partenaires occidentaux avant de les fermer. Pour se faire, il leur fallait montrer l’urgence et la gravité de la situation. Ce qui n’a été possible que quand le ver a pénétré le fruit. C’est la coordination de ces insuffisances qui a ouvert le chemin à la percée épidémique de ce virus dont les moyens de contrôle existaient. Une fois de plus, cette épidémie apparaît comme un révélatrice des faiblesses de nos États rattrapés par leurs mauvaises habitudes »

soutient Dr Anicet Zran, Historien de la Santé.

Par ailleurs, la réunion d’urgence des ministres de la santé de la Cedeao sur la préparation et la réponse à l’épidémie de coronavirus, organisé 14 février 2020 à Bamako, a accouché d’une souris. Le manque de mécanisme de coordination du dispositif sécuritaire de lutte contre l’intrusion du coronavirus dans l’espace Cedeao a également fragilisé la riposte contre le coronavirus en Afrique de l’Ouest.

Crédit photo : Sea Pacome

Mauvaise gestion du flux migratoire

En Côte d’Ivoire, la mise en quarantaine ratée des voyageurs est considérée aujourd’hui pour bon nombre d’Ivoiriens comme la principale cause de l’augmentation du nombre de personnes touchées par la maladie à coronavirus dans le pays. Alors que le pays comptait six cas avérés, les autorités ivoiriennes ont pris une série de mesures restrictives pour contrer la propagation de la maladie. Notamment, la mise en quarantaine obligatoire des ressortissants ivoiriens et des résidents permanents non ivoiriens, pour 14 jours dès leur entrée sur le territoire dans les centres réquisitionnés par l’État.

Malheureusement, l’application de cette mesure édictée par les autorités ivoiriennes a connu un dysfonctionnement sur le terrain. La faveur accordée aux proches de certaines personnalités à bord du vol Air France qui a atterri le jour même de l’entrée en vigueur de la mesure a suscité beaucoup d’indignation sur les réseaux des autres passagers mis en quarantaine à l’Institut national de la jeunesse et des sports (Injs).

Le gouvernement ivoirien a été, au bout de trois jours, forcé de libérer les passagers et a opté pour l’auto-confinement. Dans son message à la nation du lundi 23 mars 2020, le Chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara, n’a pas manqué de condamner ces actes qui ont perturbé le démarrage des opérations de mise en quarantaine. « Nous sommes tous égaux devant la loi et la maladie », a-t-il rappelé.

Peu de mesures sociales

Face à de la fragilité de leurs économies, les Etats de l’Afrique de l’Ouest ont opté pour un confinement partiel assorti d’un couvre-feu dans certains pays. Une mesure sanitaire qui va accentuer la précarité chez les populations qui évoluent en majorité dans le secteur informel.                                                      

Pour lutter efficacement contre la maladie à covid-19, les chefs de l’Etat devront pour les jours à venir prendre des mesures sociales et économiques en accompagnement des mesures sanitaires. Il faudrait d’une part que la machine médicale soit mise à la hauteur du défi, à savoir prise en charge et suivi des personnes infectées, mise en quarantaine des cas suspects et en contact avec des cas avérés, contrôles sanitaires appuyés, etc. De l’autre, instituer des mesures d’accompagnement. Il faudrait, entre autres, prévoir la suspension des taxes communales et des impôts, la suspension des factures d’électricité et d’eau, la mise en place de couloirs humanitaires pour soutenir les plus démunis (aliments, eau potable, médicaments, etc.) et la réduction du prix du carburant pour agir sur le coût des denrées de première nécessité. Ce sont autant de mesures qui pourront soulager leur population.

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